1995
La grande révolte contre le plan JUPPÉ



        On n'avait pas vu depuis 1968, un mouvement d'une telle ampleur, même si le secteur privé est resté en retrait. Amorcée par une manifestation de la Fonction publique le 10 octobre, sur la question des retraites et le gel des salaires, relayée par celle sur les droits des femmes, le 25 novembre, la grève démarre en force à partir de celle des cheminots.
        Les cheminots seront tout au long le moteur de cette lutte. Tous les secteurs de la Fonction publique et du secteur nationalisé sont touchés. La forte combativité exprime bien l'état d'esprit dominant dans le salariat : un rejet de « ceux d'en-bas » de continuer à subir la dégradation de leurs conditions de vie et de travail. Malgré l'absence quasi total de transports en commun, entraînant des grandes difficultés pour se déplacer, le mouvement est populaire. La vieille recette opposant salariés du privé à ceux de la Fonction publique et secteur nationalisé, n'a pas marché.

        Dans notre secteur, les hospitaliers s'engagent eux aussi dans la grève, moins peut être que dans d'autres secteurs, mais les cortèges dans les manifestations sont impressionnants. Quant aux salariés du social, et particulièrement les travailleurs sociaux, le mouvement fait l'effet d'un électrochoc. Alors que depuis le CREM en 1988, il était difficile de les mobiliser, ils se lancent dans la grève, constituent des collectifs de travailleurs sociaux qui perdureront après l'arrêt de la grève, et surtout se syndiquent en particulier à SUD-CRC.

        Face à cette déferlante JUPPÉ recule, mais pas complétement. Il maintient le noyau dur de son plan pour la Sécurité sociale qui vise à l'étatiser et qui prévoit une nouvelle réforme hospitalière avec la mise en place des superpréfets sanitaires : les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation. Ils auront tout pouvoir pour restructurer les établissements hospitaliers.

        Mais un des aspect les plus marquants de ce mouvement (en dehors de son aspect massif et radical) est le soutien de la direction confédérale CFDT au plan JUPPÉ et son opposition à la grève. Sa position ouvre une crise sans précédent dans la CFDT, avec des sorties importantes et des créations de syndicats SUD dans divers secteurs, en particulier chez les cheminots avec SUD Rail. Mais parallèlement, elle enclenche une turbulence interne avec l'émergence en son sein d'un courant qui devient publilc « Tous ensemble » qui exige un congrès extraordinaire (qu'il n'obtiendra pas) et met en place un journal.
        Notre secteur n'est pas épargné et plusieurs syndicats SUD ou SUD-CRC se créent. L'appareil confédéral réussira au congrès confédéral suivant (1998) de marginaliser « Tous ensemble » qui prendra la décision de se dissoudre au lendemain du congrès. Elle parachèvera l'ouvrage en reconquérant la direction de la région BASSE-NORMANDIE (un des piliers historiques de l'opposition dans la CFDT) poussant dehors les syndicats de gauches.

        Si les directions confédérales CGT et FO soutiennent le mouvement, il le font contraintes et forcées par la force du mouvement. Leur unité n'est pas au rendez-vous. Elles se gardent bien d'appeler le secteur privé à rejoindre le mouvement et vont à la soupe dès que le gouvernement les y appelle.


SUD-CRC de l'HÉRAULT

        Le mouvement de l'hiver 95 a eu la particularité de mettre au grand jour le décalage entre les positions des appareils syndicaux et celles des militants. Au niveau de la CFDT en particulier, la question de la réforme de la protection sociale (plan JUPPÉ) a cristallisé à la fois des divergences d'ordre politique et de conception du syndicalisme. Dans l'HÉRAULT, et à un niveau interprofessionnel, dès décembre 1995, l'opposition CFDT a commencé à se structurer (« Tous ensemble »). Cette dynamique a permis aussi à des militants « sociaux » de se regrouper et d'animer un courant oppositionnel au sein du syndicat Santé-Sociaux.  

        Inscrits dans cette dynamique, nous avons constaté une immense divergence entre nos positions et celles des « confédéralistes ». La question de notre sortie de la CFDT devenait de plus en plus certaine. Un effet déclencheur s'est produit : le syndicat CFDT Santé-Sociaux a refusé la nomination d'un délégué syndical « oppositionnel », choisi par la quasi unanimité de la section. En janvier 1997, 40 militants et adhérents prenaient collectivement la décision de quitter la CFDT. Nous connaissions des militants de SUD PTT et l'existence d'une fédération inscrite dans la même dynamique. Un syndicalisme impliqué dans des luttes sociales avait du sens pour nous, une pratique de la démocratie active nous a suffisamment séduit pour que nous nous lancions dans l'aventure. La création du syndicat SUD-CRC a été décidé en février 1997. En parallèle, une « Union Syndicale Groupe 1O » s'est constituée. Notre nombre d'adhérents est en perpétuelle évolution, avec des coups d'accélérateur à la faveur des mobilisations du secteur (RTT principalement).



OFFENSIVE SYNDICALE (Numéro spécial de décembre 1999)
Bulletin de la fédération National SUD-CRC