1988
La tornade blanche
prétexte de la scission dans la CFDT Santé



        Automne 1988, jamais les hôpitaux n'avaient connu un mouvement social d'une telle ampleur : coordination d'infirmières, des spécialisées, d'aides soignantes, d'agents hospitaliers, de médico-techniques ; 100 000 manifestants le 13 octobre. Dès le début du mouvement, un certain nombre de militant(e)s, des structures et la Fédération Santé CFDT se situent contre la coordination infirmières, la jugeant corporative, dressant les catégories les unes contre les autres et font tout pour la briser. Pour les sections, les militant(e)s et le CRC (Comité Régional de Coordination) CFDT d'Île-de-FRANCE la stratégie est claire : être dans le mouvement, tout faire pour que les autres catégories s'organisent et qu'une convergence de luttes impose une négociation nationale sur toutes les catégories. La signature des accords EVIN par la CFDT, dénoncée par la région parisienne et les personnels en lutte, ne permet pas au mouvement d'atteindre cet objectif.

        L'engagement dans le mouvement des équipes CFDT d'Île-de-FRANCE a servi de prétexte à la fédération Santé et la confédération CFDT pour se débarrasser d'une union professionnelle trop radicale à leur goût, représentant un obstacle dans la  réorientation de la CFDT bouclée au congrès de Strasbourg (novembre 1988). En effet, malgré le putsch de l'appareil confédéral, pour reconquérir l'union régionale interprofessionnelle Île-de-FRANCE en 1987, le risque n'était pas écarté de la voir basculer à nouveau « à gauche », sous l'implulsion de la Santé et des PTT, forts des luttes de leur secteur. Il était donc urgent de se débarrasser de ces « moutons noirs ». Le 30 novembre, tous les syndicats santé-sociaux CFDT d'Île-de-FRANCE étaient suspendus.

        Irène LEGUAY, une des porte-paroles de la Coordination infirmière en 1988, alors syndiquée à la CFDT, aujourd'hui secrétaire générale de la Fédération SUD-CRC Santé-Sociaux, témoigne de son engagement dans le mouvement et de son cheminement syndical dans ce contexte.

        .../... Mon histoire militante commence avec le mouvement des élèves infirmiers en 1978 qui a représenté une étape essentielle dans mon engagement syndical. Cette expérience revendicative et collective, alors vécue comme un succès (nous avons obtenu la rémunération partielle de nos stages d'intégration) m'a sans doute confortée dans l'idée déjà bien avancée que seul un rapport de force solidaire était capable de gagner en dignité et responsabilité.

        Il m'aura fallu 10 années supplémentaires pour retrouver une pareille dynamique revendicative, combative et massive dans le secteur. 1988, une étape supplémentaire pour beaucoup d'entre nous dans la formation militante. Cet investissement a été possible parce que des militants syndicaux confirmés (particulièrement ceux de la région CFDT) ont été à l'époque à nos côtés pour nous guider dans la construction du mouvement. Pas des « gourous » mais des copines et copains de route, riches de leurs expériences et soucieux de transmettre à de nouvelles générations leur savoir être et savoir faire.

        La mise en place de la coordination a brisé l'isolement au profit d'une dynamique de groupe ralliée aux mêmes espoirs : être reconnues, revalorisées et en finir avec les traditions culturelles du secteur qui nous confinaient dans un rôle de femmes dévouées et sous payées.
Un bilan qui fut aussi traversé par de terribles moments d'angoisse (car propulsée rapidement comme l'une des porte parole du mouvement), la peur de ne pas être à la hauteur des enjeux revendicatifs, le souci quasi obsessionnel de respecter toutes les règles du débat démocratique incontournable, mais aussi et surtout, de continuer de se battre pour pérenniser cet outil formidable d'expression collective.

        Alors tout naturellement, j'ai rejoint à l'époque les camarades de lutte, exclus de la CFDT, qui décidaient de ne pas accepter pour autant de se taire. L'idée de militer avec celles et ceux qui avaient eu pour seul objectif la satisfaction des revendications exprimées par une majorité de salariés unifiés, m'a redonnée l'envie de croire qu'une autre alternative sociale face au libéralisme était possible et d'autant plus crédible que nous sommes aujourd'hui de plus en plus à y travailler.".../...


Une mobilisation sans précédent 
Toutes les conditions de mobilisation existaient depuis des années :  crise d'identité, dévalorisation, non reconnaissance de la qualification... Les organisations syndicales engoncées dans leur rigidité et leur division, ne parvenaient pas organiser la lutte. La parution d'un arrêté relatif à l'entrée dans les écoles d'infirmières met le feu aux poudres. Le 25 mars 1988, 4 000 infirmières et spécialisées manifestent à l'appel d'une association professionnelle (UNASSIF). A partir de là, les infirmières s'organisent d'abord en region parisienne. Le 15 septembre, 500 personnes se retrouvent en assemblée générale, venues de 116 établissements dont 20 de province. Le 29 septembre, la manifestation à PARIS regroupe 20 000 personnes ;  le 6 octobre plus de 30 000 et le 13 octobre 100 000. 


OFFENSIVE SYNDICALE (Numéro spécial de décembre 1999)
Bulletin de la fédération National SUD-CRC